Le destin du voyage

Dans le livre L’idiot du voyage, Jean-Didier Urbain essaie de rétablir le profil du touriste- l’idiot- comme voyageur. Il fait une généalogie de l’imaginaire touristique en montrant que depuis sa naissance, le touriste a toujours été la cible de préjugés tant de la part des « voyageurs » que des ses pairs- les autres touristes- . Ou l’on regarde le touriste comme une marchandise, du bétail ou, comme une chose contre laquelle nous devons protéger la planète. Urbain montre que le touriste contemporain n’est ni un mouton, ni une bête affamée: le homo touristicus serait l’évolution du célèbre voyageur d’un autre temps. Sa thèse repose sur l’idée que le voyage a changé d’objectif et d’essence, et pour cela la relation entre ceux qui voyagent – les touristes – et leurs destinations s’est aussi transformée.

L'idiot du voyage - Jean-Didier UrbainC’est sur l’objectif du voyage que cet article s’intéresse. Préparer, voyager, faire du tourisme, partir, arriver, être en chemin. Tout cela se mélange lorsque l’on quitte la maison, mais une différence prépondérante montre ses contours avec les voyageurs, ou les touristes, contemporains: le fait de ne plus être fixé au destin final, mais au chemin qui mène à celui-ci. Urbain, dans sa généalogie du voyage parle de pèlerins chrétiens qui partaient de l’Europe du XVème siècle pour arriver à la Terre Sainte à Jérusalem. Ces hommes, dans leurs récits, ne donnent aucune importance au périple, à la trajectoire. Seulement, la ville représente la sécurité, l’oasis sauveur aprés des mois de périls, de fatigues et de mésaventures. Le voyage à cette époque était une succéssion d’épreuves à subir. N’ayant pas de pendant, le voyage était l’arrivée. Malgré les longues distances, les pélerins ne voyageaient pas dans l’espace- celui-ci n’avait pas d’importance- pour arriver au destin promis. Ils partaient pour des mois, le voyage était le temps.

Après, le progrès des transports a supprimé le temps, voyager devient rapide. La popularisation de l’avion a effacé définitivement l’espace. Au touriste n’est resté que le destin final: la plage, le séjour à l’hotel, un lieu pour passer des vacances. Le touriste-voyageur qui se sent dépossédé d’une bonne partie de ce qui l’attirait, décide enfin, de chercher l’entre-points : le voyageur met l’accent sur le chemin. Le voyageur postmoderne désire, dans son voyage, cheminer : arriver n’est désormais plus nécessaire ni désirable. Un Tour du Monde c’est ça : une ode au chemin, à l’être on the road. Comme le minimum de temps est suffisant pour parcourir le maximum d’espaces, un voyage de Tour du Monde est superlatif : il est tout le temps que nous désirons pour parcourir un chemin- long et – unique.

Ce sont des réflexions préliminaires sur notre objectif principal, le parcours, être en mouvement dans l’espace. Si nous sommes des touristes (idiots) ou des voyageurs, c’est un débat mineur. Plus grand, c’est l’imaginaire. C’est toute la préparation qui nous met en syntonie avec notre trajet même avant d’avoir acheté les billets. Le chemin commence bien avant, par les questions administratives et par les lectures.

Quelle est la destination d’un Tour du Monde? Où nous amène cette trajectoire elliptique et mythique?  Au point de départ? Où arriver c’est rentrer à la maison? Le tourisme – qui pourrait être traduit par l’action de faire le tour – arrive à son sommet et à son sens le plus enraciné dans ce genre d’aventure. Mais alors, quel est le destin d’un Tour du Monde? Je pense qu’il est le seul voyage sans destin, où le chemin est le seigneur absolu.

Une réflexion sur “Le destin du voyage

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